Être à l’écoute de ce que nous traversons

Juil 28, 2020 | Inspiration

Entre l’abandon de toute préparation et la tentation de deviner un futur encore plus incertain qu’auparavant, il peut exister une troisième voie. Elle consiste à se préparer, à développer la capacité de faire ce que « l’après » demandera de nouveau. Cela suppose peut-être de désapprendre autant qu’apprendre, de modifier, dans la durée cette fois, notre cadre de référence.

Depuis deux semaines, nos échanges avec nos interlocuteurs – des dirigeants d’entreprise, principalement –  ont été plus nombreux, plus essentiels, plus intenses que jamais. Depuis la crise provoquée par le Covid-19, de manière diffuse ou furtive, de nombreux interlocuteurs relatent un ensemble d’expériences presque paradoxales : stress, désarroi, vide ou perte de repères due au bouleversement des agendas mais aussi recherche d’une proximité interpersonnelle accrue, sentiment de sérénité émanant d’un possible retour à l’essentiel ou de relativité de ce qui est important, quand nous nous surprenons à apprécier des choses que nous croyions tellement acquises que nous en négligions la saveur. Nos interlocuteurs sentent aussi parfois qu’il y a quelque chose à apprendre de cette période, qu’elle est une occasion de grandir.

Foisonnement admirable d’initiatives

Mais il y a d’abord, l’urgence. Il faut y parer. C’est, par définition, la priorité. Elle consiste à protéger les personnes et à maintenir au mieux la continuité des opérations. Dans cette situation, le ou la dirigeant(e) doit décider rapidement, souvent seul(e) ou en petit comité. Son statut lui en donne la légitimité et la responsabilité. Cela fait peser sur elle, ou lui, une charge de travail souvent hors norme.

Au cours des derniers jours, nous avons été témoins, parfois supports, d’un foisonnement admirable d’initiatives qui vont au-delà de la gestion de cette priorité. Des dirigeant(e) s, investisseurs, responsables du secteur privé s’efforcent d’apporter leur concours, depuis leur poste. Par exemple, à travers l’adaptation de lignes de fabrication pour fournir des respirateurs, des masques ou des gels hydroalcooliques. Ils considèrent ces comportements presque plus normaux et évidents qu’admirables ou « moraux ».

Ces circonstances exceptionnelles, on le voit, transforment notre cadre de référence , c’est-à-dire la nature et la hiérarchisation des informations auxquelles nous accordons attention et sens. S’ouvrir délibérément à ce changement de cadre modifie l’idée même de ce qu’est l’action pertinente à poser, car elle change la source d’où elle provient et la logique à laquelle elle obéit.

Préparer l’après…

Certains responsables pensent déjà à « préparer l’après ». Nombreux sont ceux, pourtant, qui pensent que « l’après » ne pourra pas véritablement être un strict retour à la situation d’avant.

Alors préparer quoi ? Et pour quand ? Il est sans doute trop tôt pour pouvoir donner des réponses fiables à ces questions. Faut-il alors uniquement se concentrer sur le court terme, alors même que le monde économique dans son ensemble semblait lentement consentir à la nécessité d’allonger l’horizon de l’action ?

Ou être prêt

Entre l’abandon de toute préparation et la tentation de deviner un futur encore plus incertain qu’auparavant, il peut exister une troisième voie. Elle consiste à se préparer, à développer la capacité de faire ce que « l’après » demandera de nouveau. Cela suppose peut-être  de désapprendre autant qu’apprendre , de modifier, dans la durée cette fois, notre cadre de référence. Un moyen est de nous mettre résolument « à l’écoute » de ce qui nous traverse en ce moment, ces prises de conscience soudaines entre deux urgences, ces croyances momentanément ébranlées. En quoi sont-elles des germes d’attitudes de l’après ? Que nous invitent-elles à changer dans nos représentations ? Quel exceptionnel est invité à devenir normal ? (ou l’inverse !)  Quelle intuition cela nous donne-t-il quant à la façon de faire qui sera appropriée à « l’après » ?

Lorsque l’urgence sera passée, lorsque le statut seul ne suffira plus à légitimer les décisions, cette « façon de faire » ne sera-t-elle pas la meilleure source de leadership ? « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible », écrivait Antoine de Saint-Exupéry.

Egon Zehnder

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